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traittoit, n’euſt fait ſemblant de ceder à ſa volonté : avec intention touteſfois d’advertir la Princeſſe, de l’eſtat où eſtoit Perinthe, & du beſoin qu’il avoit que l’on ſongeast à luy. Il le quitta donc, apres que Perinthe l’eut chargé de remercier la Princeſſe, du ſoin qu’elle avoit de luy : le conjurant de luy dire, qu’il s’eſtimoit le plus malheureux homme du monde, de ne pouvoir prendre part à la joye qu’elle avoit : & d’eſtre contraint de ſe pleindre, quand tour le monde ne jettoit que des cris d’allegreſſe pour ſon mariage. Cét homme eſtant venu au louer de la Princeſſe, elle ne le vit pas pluſtost, que luy adreſſant la parole ; & bien, luy dit elle, en quel eſtat eſt Perinthe ? car je vous advoüe que comme il a touſjours eſté malade depuis la bleſſure qu’il reçeut en combattant pour moy, j’ay beaucoup d’impatience de le sçavoir. Madame, reprit il, la ſanté de Perinthe eſt aſſez mauvaiſe : & ce qu’il y a de pire, eſt qu’il ne veut ny dire ce qu’il ſouffre, ny faire de remedes pour guerir. Et que veut il donc faire ? repliqua la Princeſſe : il dit qu’il veut que la Nature le gueriſſe ſans le ſecours de noſtre Art, reſpondit ce Medecin ; mais pour moy, adjouſta t’il, je dis peut eſtre plus raiſonnablement que luy, que tous les deux enſemble auront bien aſſez de peine à en venir à bout. La Princeſſe fort ſurprise d’entendre ce qu’on luy diſoit, ſe fit redire fort exactement par cét homme, tout ce qu’il avoit remarqué du mal de Perinthe : qui en effet au ſortir de chez Doraliſe, avoit eſté contraint de ſe mettre au lict : tant l’agitation de ſon eſprit, avoit augmente la fiévre lente qu’il avoit depuis ſa bleſſure ; avoit troublé toutes ſes humeurs ; & alteré ſon temperamment. Comme la Princeſſe eſtoit donc fort occupée à s’informer de la ſanté de Perinthe,