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la joye fiſt en vous, les meſmes effets de la douleur & de la colere ? car enfin, adjouſta Doraliſe, je voy que vous avez tout à la fois du chagrin, du dépit, & du deſespoir, mais je n’en voy point la cauſe : ſi ce n’eſt que mes ſoubçons ſoient veritables, & qu’il y ait autant d’amour dans voſtre cœur, qu’il paroiſt de melancolie dans vos yeux. Ha Doraliſe, s’eſcria t’il, que ne ſuis je mort en combatant contre Mexaris, pluſtost que de me trouver au malheureux eſtat où je me voy ! je voudrois, pourſuivit il, vous pouvoir cacher ma folie, comme je l’ay cachée juſques icy ; touteſfois puis que je n’ay pû m’empeſcher de vous donner des marques de ma paſſion, en m’affligeant du bonheur de la Princeſſe Panthée, j’aime mieux vous advoüer mon crime, & avoir recours à voſtre diſcretion, que de vous nier une verité qui ne vous eſt que trop connue, l’advoüe donc, Doraliſe, que j’aime la Princeſſe, & que je l’ay aimée dés que j’ay eſté capable d’aimer : mais aimée avec tant de violence, que je m’eſtonne que je n’en ſuis mort mille & mille fois : mais aimée auſſi avec tant de pureté, que je n’ay jamais rien eſperé, ny preſque rien ſouhaité, ſi ce n’eſt qu’elle n’eſpousast point Abradate. Cependant c’eſt Abradate qui la va eſpouser ? c’eſt luy qui la va faire Reine ; et’c’eſt luy enfin qui me va pouſſer au Tombeau : bienheureux encore, adjouſta t’il, ſi j’y puis entrer devant le funeſte jour deſtiné à cette grande Feſte. Perinthe prononça toutes ces paroles avec tant de vehemence, & d’une maniere ſi touchante, que Doraliſe qui l’eſtimoit infiniment, en eut le cœur attendry, & voulut taſcher de le conſoler : je m’eſtois touſjours bien imaginée, luy dit elle, que vous aviez de la paſſion pour la Princeſſe : mais je vous avoüe que je ne penſois