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parler de ce voyage, on en parla comme d’une choſe reſoluë & indubitable : ſi bien que lors qu’Abradate ſe croyoit le plus heureux, il ſe trouva le plus infortuné. La Princeſſe fut auſſi ſensiblement touchée de cette reſolution : & ſi fort, qu’elle prit enfin le deſſein de ſouffrir que Doraliſe qui l’en preſſoit extrémement, priaſt encore Andramite de taſcher de rompre ce voyage. En mon particulier, ſans en rien dire à la Princeſſe ny à Doraliſe, j’en parlay auſſi à Perinthe, que je ne trouvay pas diſposé à m’accorder ce que je ſouhaittois de luy. Il me dit d’abord, que sçachant que Creſus ny le Prince de Claſomene par diverſes raiſons, ne ſouffriroient jamais que Panthée eſpousast Abradate ; il croyoit que c’eſtoit le ſervir que d’eſloigner cette Princeſſe de luy : & que c’eſtoit auſſi ſervir la Princeſſe, que d’empeſcher qu’une plus longue converſation avec ce Prince, n’engageaſt un peu trop ſon cœur. Que de plus, le Prince ſon Maiſtre n’avoit garde de perdre une occaſion ſi favorable de retourner dans ſon Eſtat, & de ſortir d’un lieu d’où il n’auroit pas la liberté de ſe retirer ſans cette raiſon. Enfin il me dit tant de choſes, que tout autre que moy auroit creû que l’amour n’avoit point de part à tout ce que faiſoit Perinthe : mais à la fin n’ayant pas voulu recevoir tout ce qu’il me diſoit, il m’advoüa ingenument, que le ſeul deſſein de ſeparer Abradate & Panthée, eſtoit ce qui l’avoit obligé à faire tout ce qu’il avoit fait. Mais il me dit cela avec des tranſports d’amour ſi grands, que quelque en colere que je fuſſe contre luy, je ne pûs le quereller, comme j’avois creû le pouvoir faire. Cependant Doraliſe ayant agy aupres d’Andramite, & ayant employé tout le pouvoir qu’elle avoit ſur luy, pour le porter à dire tout ce qu’elle voudroit : &