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Perinthe, tout genereux qu’il eſtoit, ſe voyoit forcé par ſa paſſion de ſervir celuy à qui il avoit voulu oſter la vie : & de nuire à un Prince, à qui il devoit la ſienne. Il ne pût touteſfois faire ny l’un ny l’autre : car outre que Creſus eſtoit effectivement fort irrité contre Mexaris, qui contre ſa volonté avoit voulu non ſeulement eſpouser Panthée, mais l’enlever ; il arriva encore, que la Princeſſe craignant que Mexaris ne fiſt ſa paix, & ne revinſt à Sardis ; pria ſi inſtamment Doraliſe de traitter un peu mieux Andramite, & de le prier d’entretenir le Roy dans les ſentimens de colere où il eſtoit contre Mexaris ; qu’en effet Andramite fut un matin dire à Perinthe, qu’il ne pouvoit plus faire ce qu’il avoit ſouhaité de luy : parce que Doraliſe luy demandoit une choſe toute oppoſée : luy diſant qu’entre ſa Maiſtresse & ſon Amy, il penſoit n’eſtre pas fort injuſte de donner la preference à Doraliſe. je vous laiſſe à juger. Madame, combien Perinthe fut affligé de cette nouvelle : car il comprit bien que Doraliſe n’euſt pas fait cette priere à Andramite : ſans le conſentement de la Princeſſe. Voyant donc qu’il ne pouvoit obliger ſon Amy à ce qu’il deſiroit, il obtint du moins de luy, qu’il entretiendroit touſjours Creſus dans le deſſein de ne conſentir pas qu’Abradate eſpousast Panthée ; & en effet Andramite luy promit la choſe, pourveû que Doraliſe ne luy fiſt pas une priere oppoſée à la ſienne. Ce n’eſt pas que Perinthe n’euſt une repugnance horrible, à nuire à un Prince à qui il eſtoit obligé : mais quand il ſongeoit qu’il s’agiſſoit de l’empeſcher de poſſeder la Princeſſe, il paſſoit par deſſus toute conſideration Il ne me diſoit pourtant pas alors ce qu’il faiſoit, mais ſeulement les maux qu’il enduroit : & ce ne fut