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les uns, & de s’aſſurer des autres. Mais comme en marchant, la Princeſſe s’aperçeut que Perinthe eſtoit bleſſé à la main gauche, & qu’il perdoit aſſez de ſang pour l’affoiblir, elle fit arreſter ſon Chariot : & l’y faiſant mettre malgré la reſistance qu’il y fit, je luy donnay un voile que je tenois, pour luy bander la main. Ain ſi le premier Liberateur de Panthée, eſtoit dans le Chariot : & celuy de Perinthe & de Panthée tout enſemble marchoit aupres, & ne pouvoit ſe laſſer de rendre grace à cét Amant cache, d’avoir ſi bien deffendu ſa Princeſſe. Mais helas, que le pauvre Perinthe reſpondoit froidement à toutes les civilitez d’Abradate ! la ſeule conſolation qu’il avoit, eſtoit de me regarder quelqueſfois : & de me faire voir dans ſes yeux, une partie des ſentimens de ſon cœur. Au premier lieu habité où nous paſſasmes, la Princeſſe fit arreſter, pour faire penſer la main de Perinthe, de qui le ſang ne s’eſtanchoit pas tout à fait : en ſuitte dequoy, nous continuaſmes noſtre voyage. j’avois oublié de vous dire, Madame, qu’apres le combat finy, on avoit trouvé un des gens de Mexaris démonté, dont on s’eſtoit ſaisi : & qu’Abradate fit conduire à Sardis, afin que Creſus peuſt eſtre mieux inſtruit de ce qui c’eſtoit paſſé. je ne vous diray point, Madame, combien ce Prince fut irrité contre Mexalis, quand il sçeut qu’il avoit voulu enlever Panthée : ny combien le Prince de Claſomene en fut ſurpris, affligé, & en colere ; mais je vous diray que ce qu’il y eut d’admirable, fut que Perinthe qui avoit fait tout ce qu’il avoit pû pour tuer Mexaris, fit apres toutes choſes poſſibles, par le moyen d’Andramite, pour apaiſer Creſus : ſans autre motif que celuy de faire obſtacle à Abradate en ſervant ſon Rival. Ainſi le malheureux