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bien que combatant en deſesperé, il fit des choſes que l’on ne sçauroit vous repreſenter. Comme le pauvre Perinthe en eſtoit donc là, il vit paroiſtre des Cavaliers qui venoient à toute bride, vers l’endroit où il combatoit : & comme il ne douta point que ce ne fuſſent encore des gens de Mexaris, il ſe creût abſolument perdu. Touteſfois voulant vendre ſa vie cherement, & taſcher de tüer ce Prince, auparavant que d’eſtre tüé luy meſme ; il s’eſlança vers luy, malgré quelques uns des ſiens qui le couvroient : & s’engagea d’une telle ſorte parmy ces raviſſeurs, que ſi Abradate qui eſtoit à la teſte de ces Cavaliers, que Perinthe avoit crû eſtre des gens de Mexaris, ne fuſt venu, & ne les euſt écartez, le panure Perinthe eſtoit mort. Mais à peine ce Prince fut il arrivé avec vint chevaux, que les choſes changerent bien de face : car dés qu’il aprocha, voyant Perinthe au danger où il eſtoit, il fut tout droit à luy, & le degagea entierement. De vous repreſenter, Madame, l’eſtonnement de Mexaris, de Perinthe, & de nous, de voir arriver Abradate en ce lieu là, c’eſt ce que je ne sçaurois faire : Mexaris creût alors que les Dieux le vouloient perdre ; Panthée eſpera qu’ils la vouloient conſerver ; & Perinthe m’a dit depuis, que lors qu’il vit Abradate luy ſauver la vie, il eut une douleur ſi ſensible, qu’il fut tenté de le combattre auſſi bien que Mexaris : qui depuis l’arrivée du Prince de la Suſiane, ne ſongea plus qu’à ſe retirer : car outre qu’il eſtoit deſja aſſez bleſſé dés qu’il le joignit, il luy donna encore un coup au bras droit, qui l’ayant mis hors de combat, fit qu’il ne penſa plus qu’à ſe mettre en ſeureté : n’eſtant plus en eſtat ny d’enlever ſa Maiſtresse, ny de combatre ſon Rival. Il fut pourtant pourſuivy ardemment : touteſfois