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promets une fidelité inviolable : & ſi vous ne vous y confiez pas, je vous proteſte que le jour ne ſe paſera point, que je ne die à la Princeſſe que je croy que vous l’aimiez : & que je ne luy en donne tant de marques, qu’elle vous deffendra peut-eſtre de la voir jamais.

Perinthe m’entendant parler, ainſi, me regardoit attentivement ſans rien dire : & cherchoit lequel luy eſtoit le plus avantageux, de m’advoüer qu’il aimoit, ou de ne me l’advoüer pas ; me voyant ſi determinée à faire ce que je luy diſois. Si je l’advoüe, diſoit il, peut— eſtre qu’elle le dira, & ſi elle le dit je ſuis perdu : mais ſi je ne luy advouë point, reprenoit il un moment apres, elle le dira encore pluſtost, & ma perte ſera encore plus indubitable. Que ſeray-je done ? pourſuivoit ce malheureux Amant en luy meſme : puis tout d’un coup s’imaginât que je ne voudrois pas le preſſer ſi fort de sçavoir une choſe que je condamnerois abſolument, il ſe flatta de je ne sçay quelle eſperance mal fondée, & me reſpondit en biaiſant. comme je vy ſon ame eſbranlée, je le preſſay encore davantage : & luy dis ſi fortement que je ferois sçavoir à la Princeſſe qu’il eſtoit amoureux d’elle, s’il ne me l’advoüoit ; qu’à la fin apres m’avoir fait jurer ſolemnellement que je ne dirois jamais rien de ce qu’il me diroit, ny à Doraliſe ; ny à la Princeſſe ; ny à qui que ce ſoit, il me promit qu’il me deſcouvriroit la verité de toutes choſes. je luy declaray touteſfois auparavant, que je ne m’engageois qu’à luy eſtre fidelle & qu’à le conſoler, & non pas à le ſervir dans ſa paſſion. Peut-eſtre Madame, me demanderez vous pourquoy je voulois obliger Perinthe à m’advoüer ſon amour ? mais je vous reſpondray à cela, que je creus rendre un grand ſervice à la Princeſſe ſi je pouvois avoir