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tous deux ce que nous avions à nous dire. A la fin voyant Perinthe ſi occupé de ſes propres penſées, qu’à peine voyoit il ce qu’il regardoit, je luy parlay la premiere : & je luy demanday s’il n’avoit pas envie que je luy tinſſe ma parole, & que je luy diſſe ce qu’il avoit tant eu de curioſité de sçavoir ? Non Pherenice, me dit il en ſouspirant, car je ne le sçay que trop : mais l’ay une grace à vous demander, que je vous prie de ne me refuſer pas. Si ce que vous voulez eſt juſte & poſſible, luy dis-je, vous eſtes aſſuré de l’obtenir : faites donc je vous en conjure, reprit il, que Doraliſe ne ſe ſerve plus de mon nom en eſcrivant à la Perſonne à qui elle eſcrivoit, quand je la ſurpris ſi mal à propos & pour elle & pour moy : puis qu’a mon advis il n’eſt pas meilleur qu’un autre, à cacher celuy qu’elle ne veut pas que l’on sçache, & que cela me peut plus nuire qu’elle ne penſe. je l’en aurois priée elle meſme, adjouſta t’il, mais de l’humeur qu’eſt Doraliſe, elle ne m’auroit eſcouté, qu’en raillant : c’eſt pourquoy je me ſuis adreſſé à vous, qui ayant l’eſprit moins enjoüé, avez ſans doute l’ame plus tendre, & plus capable de vous laiſſer toucher aux prieres de vos Amis. Perinthe me tint ce diſcours d’une maniere qui me fit ſi bien voir qu’il avoit un deſplaisir tres ſensible dans le cœur, que le mien en fut eſmeu de quelque compaſſion : de ſorte que luy reſpondant fort doucement, afin de l’obliger à prendre quelque confiance en moy ; Perinthe luy dis-je, il ne me ſera pas difficile d’obtenir de Doraliſe qu’elle faſſe ce que vous deſirez : & porveu que vous ne luy deffendiez pas de dire de vous tout le bien qu’elle en penſe, quand l’occaſion s’en preſentera, je vous aſſure qu’elle n’aura point de peine à ne ſe ſervir plus de voſtre