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que l’on sçaura que vous avez une intelligence cachée avec quelqu’un : on sçait aſſez, reprit elle en ſous-riant, que je ne trouve point cét honneſte homme que je cherche : qui ſans avoir rien aimé, ſoit en eſtat de ſe faire aimer : c’eſt pourquoy ma reputation ne ſera point bleſſée, quoy que vous puiſſiez dire contre moy. Peut-eſtre (dit alors Perinthe, en la regardant fixement) agiſſez vous pour quelque autre : & peut-eſtre encore que vous allez moins d’intereſt que moy au ſecret de cette Lettre. je n’euſſe jamais creû reprit Doraliſe, qu’un homme qui ne veut dire ſon ſecret à perſonne, euſt eſté ſi puiſſant à vouloir sçavoir celuy des autres : quoy qu’il en ſoit, dit il, j’ay une telle envie que vous me diſiez preciſément ce que je demande, ou que vous me l’advoüyez ſi je le devine, qu’il n’eſt rien que je ne fiſſe pour vous y obliger. Dittes moy ſeulement, dit elle, ce que vous en penſez, & puis apres je verray ce que j’auray à vous reſpondre.

Comme ils en eſtoient là j’arrivay, ſans sçavoir la conteſtation qui eſtoit entre eux : & comme la Princeſſe craignoit touſjours que Doraliſe n’eſcrivist trop obligeamment à Abradate, je venois luy dire qu’elle ne fermaſt pas la Lettre qu’elle eſcrivoit ſans la luy monſtrer. Pour m’aquiter donc de ma commiſſion, je luy dis tout bas l’ordre que j’avois : mais quoy que je creuſſe qu’à peine m’avoit elle oüye, Perinthe m’entendit auſſi bien qu’elle : de ſorte que joignant ce que je diſois, à la Lettre qu’il avoit leue, il creut bien que ſcelle que la Princeſſe vouloit voir, eſtoit la meſme, où ſon nom eſtoit meſlé malgré luy : & il ne douta plus du tout, que cette Lettre miſterieuse ne regardaſt la Princeſſe & Abradate. Doraliſe voulut alors me raconter leur démeſlé, mais il n’entendit plus