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où il ne comprenoit rien, sçachant bien que Doraliſe ne luy avoit point monſtré de Lettre ; elle leva les yeux ; & regardant dans le Miroir qui eſtoit ſur la Table, elle y vit Perinthe qui liſoit ſa Lettre par deſſus ſon eſpaule. Elle ne l’eut pas pluſtost veû, qu’elle fit un grand cry : & depuis quand, Perinthe (s’eſcria t’elle en ſe levant & en cachant ſa Lettre) avez vous oublié le reſpect que l’on doit aux Perſonnes de mon ſexe ? Et depuis quand, luy dit il en ſous-riant, belle Doraliſe, avez vous apris à me faire dire des choſes où je n’ay jamais penſé ? Du moins, adjouſta t’il, faites moy voir cette Lettre que vous dittes que je troune ſi jolie : & ſi jolie, que je l’ay leuë juſques à trois ſois. Doraliſe voyant alors, qu’il avoit leû tout ce qu’elle avoit eſcrit, creut qu’il valoit mieux en railler aveque luy, que de parler plus long temps ſerieusement : croyant que plus elle s’en fâcheroit, plus il y croiroit de miſtere. Joint que comme les Perſonnes enjouées ne peuvent prendre la liberté qu’elles prennent, ſans en donner un peu aux autres ; elle jugea bien qu’elle ne devoit pas ſe fâcher legerement contre Perinthe, à qui elle avoit fait cent malices innocentes en ſa vie. De ſorte que changeant de viſage, & ſe mettant à rire, elle ſe mit alors à relire ſa Lettre, afin d’avoir le temps d’y chercher une explication : pendant quoy Perinthe la reliſant auſſi bien qu’elle, qui ne s’en deffendit point, il la repaſſa parole pour parole. Mais encore, luy dit il, pourquoy dittes vous ce menſonge, & à qui le dittes vous ? car vous sçavez bien que tout hier je ne vous parlay point : & je venois aujourd’huy pour me recompenſer de ce malheur. Cependant vous dittes à la perſonne à qui vous eſcrivez, que je vous ay parlé d’elle d’une maniere