Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, cinquième partie, 1654.djvu/187

Cette page n’a pas encore été corrigée

tant d’amertume, qu’elle en tomba malade elle meſme ; de ſorte qu’elle ne pût pas retourner ſi toſt à Sardis. Car encore que ſon mal ne fuſt pas violent, il eſtoit touſjours aſſez grand, pour l’empeſcher de ſe pouvoir mettre en chemin : & par ce moyen, Perinthe eut plus longtemps qu’il n’avoit penſé, le plaiſir de ne voir point ſes Rivaux, & de voir touſjours la Princeſſe. En effet il luy devint ſi agreable, & quaſi ſi neceſſaire, pendant le ſejour qu’elle fit à Claſomene, qu’elle ne pouvoit ſouffrir que ſa converſation ; celle de Doraliſe ; & ſi je l’oſe dire la mienne : ſi bien que l’on peut aſſurer que comme les Roſes naiſſent parmy les eſpines, les plaiſirs de Perinthe naiſſoient parmy les douleurs. Il eſt vray qu’ils ne ſurent pas meſme durables non plus qu’elles : car outre que l’amour eſt une paſſion ennemie du calme & du repos, il reçeut une lettre d’Andramite qui redoubla ſon inquietude : parce qu’elle luy aprit que Mexaris eſtoit eternellement avec le Prince de Claſomene. Neantmoins comme il sçavoit bien que tant que la Princeſſe ne ſeroit pas aupres d’eux, ils ne pourroient executer les reſolutions qu’ils pouvoient prendre : il eſperoit que des qu’il verroit le Prince de Claſomene, il le feroit changer de deſſein, s’il en avoit un contraire à ſes intentions, Ainſi ce deſplaisir ne fut pas le plus grand de ceux qui troublerent la ſatisfaction qu’il avoit d’eſtre eſloigné de ſes Rivaux, & d’eſtre aupres de la Princeſſe :

car vous sçaurez Madame, que le Prince Abradate ne pouvant vivre ſans avoir des nouvelles de Panthée, eſcrivit regulierement deux fois toutes les ſemaines à Doraliſe ou à moy, tant que nous fuſmes eſloignées : ou pour mieux dire à la Princeſſe, eſtant certain que tout ce qu’il nous diſoit, n’eſtoit que des choſes