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en une aprehenſion eſtrange, d’eſtre cauſe de la mort de quelqu’un de ces Princes ; il fit que Creſus les accommodant, leur dit à tous deux qu’il ne vouloit point qu’ils penſassent à Panthée. Bien eſt il vray, qu’il parla d’une maniere diffetente à ces deux Rivaux : car il commanda abſolument la choſe à Mexaris, & ſe contenta d’en prier Abradate : traitant l’un comme ſon ſujet, & l’autre comme Prince eſtranger. Ils ne purent touteſfois ſe reſoudre à luy promettre ce qu’il vouloit : diſant touſjours que l’amour eſtoit une paſſion que l’on ne ſurmontoit pas facilement, & de laquelle ils ne croyoient pas ſe pouvoir deffaire. Ils diſoient pourtant cela avec tant de reſpect pour Creſus, de peur de l’irriter, & de peur qu’ils ne les eſloignast de Sardis, que leur reſistance ne l’offença point : & il creût meſme qu’ils ne laiſſeroient pas de luy obeir, quoy qu’ils luy proteſtassent qu’ils ne penſoient pas le pouvoir faire. Ainſi il ſe trouva que le Vainqueur, ne fut plus pas heureux que le vaincu : & que ce fut effectivement Perinthe, qui recueillit tout le ſruitde la victoire d’Abradate ; par la joye qu’il eut de pouvoir eſperer que la Princeſſe ne l’eſpouseroit non plus que Mexaris. Mais, Madame, j’oubliois de vous dire, que ce fut une rare choſe, que de voir revenir Perinthe rendre conte à la Princeſſe, du combat de Mexaris & d’Abradate : car encore qu’elle l’euſt deſja sçeu par d’autres, neantmoins comme l’on eſt bien aiſe d’ouïr dire plus d’une fois une choſe qui plaiſt, & où l’on s’intereſſe : Perinthe ne fut pas pluſtost aupres d’elle, où il n’y avoit alors que Doraliſe & moy ; que luy adreſſant la parole, & bien Perinthe (luy dit elle avec beaucoup de joye dans