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en prie : car je ſeray bien aiſe de ne devoir cét office la qu’à vous ſeul.

Il vous eſt aiſé de juger, Madame, combien Perinthe eſtoit ſurpris & affligé, de la commiſſion que la Princeſſe luy donnoit : il voulut deux ou trois fois luy dire quelque choſe ; mais la Princeſſe ſans l’eſcouter, luy diſoit touſjours qu’il allaſt promptement : de ſorte que le pauvre Perinthe malgré luy, fut pour ſeparer deux hommes qu’il euſt voulu combatre tous deux s’il euſt oſé. Il eſt vray qu’il n’y fut pas des premieres : car le bruit des Eſpées ayant eſté entendu par ceux qui eſtoient dans les autres Allées de ce Jardin, ils y ſurent en diligence : mais ils y ſurent pourtant trop tard ; car le combat de ces Princes eſtoit deſja finy, quand ils arriverent aupres d’eux. je ne vous diray point. Madame, comment il ſe paſſa : & ce ſera aſſez que je vous aprenne, que Mexaris fut bleſſé & deſarmé, & qu’Abradate vainquit ſans avoir reçeu aucune bleſſure : Mexaris diſant luy meſme, que ce Prince avoit une valeur incomparable. Mais de grace, Madame, imaginez vous un peu, quels ſentimens eſtoient ceux de Perinthe : lors que dans l’incertitude de l’evenement de ce combat, il alloit chercher ces deux Princes. Il m’a advoüé depuis, qu’il ne pût jamais demeurer d’accord avec luy meſme de ſes propres ſouhaits : tantoſt il euſt voulu que tons les deux ſe fuſſent tuez : quelquefois il deſiroit au moins qu’Abradate fuſt vaincu : & quelques fois auſſi, trouvant beaucoup d’injuſtice & meſme de laſcheté à ſes ſouhaits, il ſe ſouhaittoit la mort à luy meſme : principalement lors qu’il faiſoit reflexion ſur la douleur que Panthée avoit teſmoigné avoir, par la ſeule crainte qu’elle avoit euë qu’il n’arrivaſt quelque malheur à Abradate. De plus, il eut encore le deſplaisir de rencontrer cét illuſtre