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de vous engager à la ſervir, & vous ne laiſſez pas encore de vous y obſtiner. Quoy que la maniere dont vous me parlez, reprit Abradate, deuſt peut-eſtre me diſpenser de vous rendre raiſon de mes actions & de mes deſſeins : le reſpect que je vous dois, comme eſtant frere de la Reine ma Mere, & d’un Roy qui m’a donné Azile dans ſa Cour, m’oblige à vous dire ; qu’ayant aimé la Princeſſe de Claſomene dés le premier inſtant que je l’ay veuë, je n’ay sçeu la paſſion que vous aviez pour elle, que lors que je n’eſtois plus en eſtat d’eſtre maiſtre de la mienne. Joint qu’ayant touſjours sçeu que Creſus n’aprouveroit jamais que vous ſongeassiez à l’eſpouser, j’ay penſé que je ne vous ferois pas un grand outrage, ſi je faiſois ce que je pourrois pour aquerir un bien que vous ne pourriez jamais poſſeder. Mais croyez vous, interrompit Mexaris, que cette meſme raiſon d’Eſtat, qui ne veut pas que le Roy conſente que j’eſpouse une fille qui me rendroit trop puiſſant dans ſon Royaume, veüille que vous qui eſtes Eſtranger l’eſpousiez ? Ha non non Abradate, deffaites vous de cette imagination : & ſoyez perſuadé, que Creſus ne voudra pas que vous penſiez a cette Alliance. Croyez encore, ſi vous eſtes ſage, que le Prince de Claſomene ne donnera point ſa Fille a un Prince exilé : & ne penſez jamais, s’il vous reſte quelque raiſon, à faire une ſeule action qui me puiſſe perſuader que vous y ſongez encore. Juſques icy, reprit Abradate, je vous ay parlé comme Fils de la Reine de la Suſiane ; comme Prince refugié en Lydie ; & comme Neveu du Prince Mexaris : mais apres ce que je viens d’entendre, il faut que je parle en Amant de Panthée : c’eſt à dire en homme qui ne la sçauroit ceder à perſonne, & qui l’aimera & la ſervira, juſques