mal, il redoubla ſa civilité pour elle ; n’oſant plus luy parler d’Andramite, que Doraliſe à la priere de la Princeſſe, traita un peu moins ſeverement, depuis qu’elle eut sçeu que ç’avoit eſté par ſon moyen, que Mexaris avoit eſté traverſé dans ſon deſſein. Cependant ce Prince s’aſſurant touſjours ſur la parole du Pere de la Princeſſe, attendoit quelque occaſion favorable, ou de faire changer d’avis à Creſus, ou d’eſpouser Panthée malgré luy, s’il ne le pouvoit autrement. De ſorte qu’il vivoit ſans beaucoup d’inquietude : dans la certitude où il penſoit eſtre de l’heureux ſuccés de ſon deſſein. Abradate eſtoit pourtant plus heureux que luy : car eſtant aſſuré du cœur de Panthée, il avoit d’aſſez douces heures, malgré tant d’obſtacles qui s’opoſoient à ſon bonheur. Mais pour le malheureux Perinthe, il n’eſtoit jamais ſans affliction : il trouvoit pourtant quelque eſpece de repos, à penſer que Panthée n’eſpousant ny Mexaris ny Abradate, ne ſe marieroit peut-eſtre point. Il m’a dit depuis, que lors qu’il trouvoit lieu de croire que cela pourroit arriver ; il avoit preſque autant de joye, qu’en peut avoir un Amant, qui eſt à la veille de poſſeder ſa Maiſtresse. Les choſes ſurent donc quelque temps de cette ſorte : pendant quoy l’amour d’Andramite pour Doraliſe, eſtoit ce qui ſervoit à rendre la converſation plus agreable : eſtant certain que l’on ne peut rien imaginer de plus bizarre ny de plus galant, que tout ce que cette Fille luy diſoit. Car comme il vouloit touſjours ſoutenir qu’il n’avoit jamais aimé qu’elle, elle auſſi luy diſoit auſſi touſjours, que s’il avoit aimé la Femme qu’il avoit perduë, il ne luy eſtoit point propre : & : que s’il ne l’avoit point aimée, il avoit eſté fort injuſte puis qu’elle avoit eſté
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