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cela eſtoit une preuve ſi forte de la paſſion dont nous le ſoubçonnions, que je ne pûs m’en empeſcher. je ne l’eus pourtant pas pluſtost dit, que j’euſſe voulu ne l’avoir pas fait : mais il n’eſtoit plus temps. Ce n’eſt pas que je ne diſſe la choſe de façon que Doraliſe ne pouvoit pas avoir un juſte ſujet de ſe pleindre : mais apres tout, je m’aperçeus bien que ce que je luy dis la toucha, car elle en rougit de dépit. Je vous laiſſe à penſer, luy dis-je alors pour l’adoucir, ſi Perinthe vous eſtimant autant qu’il vous eſtime, & teſmoignant avoir tant d’amitié pour voſtre Perſonne : n’auroit par reçeu aveque joye, la propoſition que la Princeſſe luy a faite, quand meſme il n’auroit point eu du tout d’amour pour vous : ainſi il faut conclurre qu’il en a pour quelque autre : & que cette autre eſt aſſurément Panthée. S’il aime Panthée, reprit Doraliſe, je luy pardonne de bon cœur : & je luy pardonne d’autant pluſtost, qu’il ſera aſſez puny de cette folle paſſion, par la meſme paſſion qui le poſſede. Mais ſi c’eſt quelque autre, je me vangeray ſur luy, & de ſon refus, & de l’injure que la Princeſſe m’a faite, de m’aller offrir ſans m’en rien dire. Doraliſe malgré ſa colere, connoiſſoit pourtant bien que le ſentiment de la Princeſſe avoit eſté obligeant pour elle : mais c’eſt qu’elle ne vouloit pas ſe pleindre autant de Perinthe que de Panthée. Depuis cela, cet Amant caché ne ſe pût preſques plus cacher à nous : il ne faiſoit pas une action, ny ne diſoit pas une parole, où nous ne creuſſions voir des marques de ſon amour : auſſi l’obſervions nous ſi ſoigneusement qu’il s’en aperçeut, & nous en demanda meſme la cauſe. Comme il, craignoit que la Princeſſe n’euſt dit a Doraliſe quelque choſe de ce qui c’eſtoit paſſé entre eux, & qu’il craignoit auſſi qu’elle ne luy en vouluſt