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que vous me dittes, repliqua la Princeſſe, eſt plein d’eſprit, & paroiſt meſme vray-ſemblable : puis qu’il eſt certain que je ne voy aparence aucune que vous ayez pû vouloir deux choſes contraires tout à la fois. Mais comme enfin il y a pourtant je ne sçay quoy en voſtre procedé, qui n’eſt pas de la maniere dont vous avez accouſtumé d’agir, il faut reparer ce manquement là, par une ſincerité tres exacte, que je demande de vous : c’eſt pourquoy, ſi vous voulez me perſuader que vos intentions ont eſté telles que vous le dittes, vous me rendrez un conte tres fidelle, de tout ce que le Prince mon Pere vous dira de moy : car comme je ne veux rien entreprendre contre ſon ſervice, que je ne cherche qu’à n’eſtre pas malheureuſe, je ne penſe pas vous demander rien d’injuſte. je vous promets Madame, luy dit il malicieuſement, de vous dire tout ce qu’il me dira du Prince Mexaris : ne changez point mes paroles, reprit la Princeſſe, & engagez vous à me dire tout ce qu’il vous dira de moy. Perinthe qui connut bien que la Princeſſe ne luy parloit ainſi, que parce qu’elle vouloir auſſi sçavoir ce que le Prince ſon Pere luy diroit d’Abradate, en fut ſi, interdit, qu’il fut quelque temps ſans luy reſpondre : mais à la fin comme elle l’en preſſa : je crains ſi fort, luy dit il, d’eſtre obligé de vous dire quelqueſfois des choſes peu agreables, que je ne m’engage qu’avec peine à faire ce que vous deſirez. La Princeſſe euſt bien voulu pouvoir obtenir d’elle, aſſez de hardieſſe pour luy faire sçavoir qu’elle ne luy ſeroit pas moins obligée de parler pour Abradate, que de parler contre Mexaris, mais il n’y eut pas moyen : auſſi croiſie que ſi elle luy euſt fait cette priere, il en ſeroit mort de douleur : ou luy auroit du moins donné de ſi viſibles marques de ſa paſſion,