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à parler à Creſus, afin d’empeſcher le mariage de Mexaris. Car encore que Doraliſe l’euſt fort mal traité, il y avoit pourtant des jours où elle luy faiſoit dire tout ce qu’elle vouloit : de ſorce que, dés qu’Abradate luy eut dit ce qu’il venoit d’aprendre, elle luy dit en ſuitte ce qu’elle venoit de sçavoir : & comme ces deux choſes eſtoient contraires, & paroiſſoient pourtant toutes deux certaines, cela les embarrana eſrangement. Ils reſolurent donc de ne rien croire, & de ne rien determiner, qu’apres avoir sçeu de la Princeſſe ce qu’elle en penſoit : Doraliſe vint donc à l’heure meſme la trouver : & luy dire ce que le Prince Abradate avoit sçeu, & de qui il l’avoit sçeu : en ſuitte dequoy, elle luy dit qu’Andramite croyant ſans doute rendre office à Perinthe, & s’en rendre à luy meſme, luy avoit dit en confidence que c’eſtoit par ſon moyen que Mexaris avoit eſté mal reçeu de Creſus. De ſorte (reprit la Princeſſe, apres avoir eſcouté Doraliſe) que ſi Andramite dit vray, je ſuis fort obligée à Perinthe : & que ſi ce que l’on a die au Prince Abradate eſt veritable, j’ay ſujet de me pleindre eſtrangement de luy ; puis qu’enfin il n’ignore pas, que j’ay de l’averſion pour Mexaris. Ce qui m’embarraſſe le plus, adjouſta la Princeſſe, eſt que celuy qui a raporté à Abradate que Perinthe favoriſe Mexaris, n’eſt pas un homme à dire un menſonge : ainſi, je croirois que ce ſeroit pluſtost Andramite qui ne diroit pas la verité. Ha Madame, s’eſcria Doraliſe, je vous reſponds qu’Andramite n’a point inventé ce qu’il m’a dit : il faut donc, repliqua la Princeſſe, que je m’en eſclaircisse avec Perinthe meſme : car je l’ay touſjours connu ſi ſincere & ſi homme d honneur, que je ſuis perſuadée qu’il m’advoüera la verité,