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quelqu’un poſſede la perſonne que l’on aime ; Ha non non, diſoit il, je me ſuis trompé : & je n’ay jamais eu deſſein que Panthée fuſt Femme de Mexaris. je l’ay vouluë oſter à Abradate, & je ne l’ay jamais vouluë donner à ſon Rival & au mien. Et puis, adjouſtoit il encore, ſeroit-il juſte que pour diminuer quelque choſe de mon malheur je rendiſſe la Princeſſe que j’adore, la plus infortunée perſonne de la Terre ? elle, dis-je, qui m’adonné cent marques d’eſtime & d’amitié ; à qui je n’ay jamais deſcouvert ma paſſion : & à qui je ne l’oſerois deſcouvrir. Elle, dis-je encore, de qui je ne pourrois meſme me pleindre, quand elle me banniroit pour touſjours, ſi j’avois eu l’audace de luy dire que je l’aime : & elle enfin qui me pourroit haïr ſans injuſtice, ſi elle sçavoit ce que j’ay fait contre elle. Cependant je ne puis me reſondre à la voir Femme d’Abradate : & il me ſemble que puis que je me reſous à ne poſſeder jamais ce que j’aime, il y a quelque juſtice que celle qui a mis dans mon cœur une ſi cruelle paſſion, eſprouve une partie de mon malheur, en n’eſpousant pas Abradate. Apres avoir donc bien raiſonné ſur ſon amour, & ſur l’eſtat preſent des choſes, il imagina une voye par laquelle il creut pouvoir eſgalement empeſcher Mexaris & Abradate d’eſpouser Panthée, & voicy comment il fit ſon projet. Depuis la priſon de Cleandre, Andramite, qui eſt le meſme qui vient de conduire la Princeſſe Mandane & la Princeſſe Palmis, d’Epheſe à Sardis ; s’eſtoit mis aſſez bien aupres de Creſus, & eſtoit Amy particulier de Perinthe qu’il voyoit tous les jours : tant parce qu’ils ſe rencontroient ſouvent chez Creſus, que parcé qu’Andramite eſtant fort amoureux de Doraliſe la ſuivoit en tous lieux, & eſtoit par conſequent tres ſouvent