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Pour la Princeſſe, elle avoit une auſſi forte averſion pour Mexaris, qu’elle avoit une puiſſante inclination pour Abradate : & n’avoit guere moins d’amitié pour Perinthe, que pour Doraliſe & pour moy. Mais durant que Mexaris ſongeoit par quelle voye il pourroit obtenir du Roy, la permiſſion d’eſpouser Panthée ; & qu’Abradate penſoit à s’apuyer de l’amitié de Cleandre ; la conjuration d’Antaleon fut d’eſcouverte : qui a fait aſſez de bruit, pour croire que vous ne l’ignorez pas : de ſorte que ſans m’y arreſter, je vous diray que toute la Cour eſtant broüillée pour cela, on fut contraint de ne parler d’autre choſe durant quelque temps. Mais Madame, pour vous faire connoiſtre la difference qu’il y avoit, de l’ame de Mexaris à celle d’Abradate, je vous diray que ce premier fit tout ce qu’il pût ſecrettement, pour trouver les voyes de faire croire à Creſus que ce Prince avoit sçeu quelque choſe de la conjuration : mais quoy qu’il puſt faire, le Roy n’en eut pas ſeulement le moindre ſoubçon. Pour Abradate, il en uſa d’une autre ſorte : car s’eſtant trouvé deux hommes qui avoient eſté au ſervice de Mexaris, & qui n’avoient reçeu aucune recompence de luy ; ils reſolurent, sçachant la libéralité d’Abradate, & n’ignorant pas qu’il eſtoit Rival de leur Maiſtre, de luy aller dire que s’il vouloir ils l’accuſeroient, & le contraindroient par conſequent de s’eſloigner de la Cour. Et en effet, ces deux hommes de qui l’ame eſtoit auſſi meſchante, que celle de Mexaris eſtoit avare, ſurent luy faire cette propoſition : Abradate l’eſcouta avec horreur, & la rejetta hautement : mais apres cela, comme je croy, leur dit il, que vous ne vous eſtes portez à vouloir une ſi laſche action que parce que l’avarice de voſtre Maiſtre eſt cauſe que vous eſtes pauvres : je veux