pas comme vous penſez : eſtant certain qu’un honneſte homme que l’Amour a fait, le demeure toute ſa vie. Il eſt vray pourtant que cette meſme paſſion, qui luy aura donné cent bonnes qualitez, qu’il n’auroit jamais eues s’il n’euſt jamais eſté amoureux, pourra bien quelqueſfois, ſi elle devient un peu trop forte, faire qu’il y ait des jours où ſa converſation ne ſera pas agreable, & où il ne paroiſtra point du tout ce qu’il eſt : ainſi Madame, adjouſta t’elle, bien loin de croire comme vous, que Perinthe n’eſt moins ſociable que parce qu’il ceſſe d’aimer, je ſuis perſuadée au contraire, que c’eſt parce qu’il aime encore plus qu’il ne faiſoit, ou que peut-eſtre on l’aime moins : car pour l’ordinaire c’eſt plus par les ſentimens d’autruy que par les ſiens propres que l’on eſt malheureux, lors que l’on eſt poſſedé de cette paſſion. Mais en fin Doraliſe, adjouſta la Princeſſe, vous n’avez pas encore deſcouvert ce que vous vous eſtiez vantée de deſcouvrir ſi promptement : il eſt vray Madame, repliqua t’elle, que je ne ſuis pas encore aſſurée ſi quelques ſoubçons que j’ay eus ſont bien ou mal fondez. je vous prie du moins, dit la Princeſſe, de me dire ce que vous avez ſoubçonné : Ha Doraliſé (s’écria Perinthe, qui craignit qu’elle n’allaſt dire à Panthée ce qu’elle luy avoit autrefois dit à luy meſme devant que d’aller au Siege d’Epheſe) vous avez trop d’eſprit pour ignorer qu’il eſt certaines choſes dont il n’eſt jamais permis de railler : & trop de bonté auſſi pour vouloir me deſobliger ſi cruellement, en me donnant part à une choſe, que vous avez imaginée ſans aucune aparence. Le ſoin que vous aportez à m’empeſcher de parler, dit Doraliſe, pourroit pourtant eſtre une marque que je ne me trompe pas : mais quoy qu’il en ſoit, adjouſta
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