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en tout ce qu’elle luy dit, ny dequoy ſe deſesperer, ny dequoy s’aſſurer auſſi. Il remarqua bien ſans doute, qu’elle n’avoit pas l’eſprit auſſi libre, qu’elle avoit accouſtumé de l’avoir : mais il n’en pût penetrer la cauſe. Au ſortir de chez elle, il fut chez Doraliſe qu’il eſtimoit fort : & que de plus, il regardoit comme eſtant fort aimée de la Princeſſe : afin de s’informer avec adreſſe, ſi Mexaris n’avoit point profité de ſon abſence. Et en effet, Doraliſe n’eut pas pluſtost deſcouvert ce qu’il vouloit sçavoir, que comme elle eſtoit bien aiſe de le favoriſer, elle luy fit entendre (avec la meſme adreſſe qu’il luy demandoit la choſe) que Mexaris eſtoit encore plus mal dans l’eſprit de Panthéc qu’il n’avoit jamais eſté. De plus, luy dit elle, je penſe auſſi que ce Prince n’eſt pas plus amoureux qu’il eſtoit quand vous partiſtes, car il n’eſt pas plus liberal. Auſſi ay-je fait tout ce que j’ay pû, pour perſuader à la Princeſſe, qu’il demeuroit pluſtost icy pour garder ſes threſors que pour l’amour d’elle, ou par raiſon d’Eſtat, comme il l’a voulu faire croire. Ha Doraliſe, s’eſcria Abradate, vous me dittes ſi preciſément ce que j’ay ſouhaitté que vous me duſſiez, que je crains que vous ne parliez ainſi que pour me faire plaiſir : & que tout ce que vous me dittes ne ſoit inventé. Du moins m’advoüerez vous, reprit Doraliſe en riant, qu’il n’y a rien de plus vray ſemblable, que de dire que le Prince Abradate eſt plus eſtimé que Mexaris : je ne sçay s’il eſt vray-ſemblable ou non, reprit il, mais je voudrois touſjours bien qu’il fuſt vray. S’il ne manque que cela pour vous rendre heureux, repliqua t’elle, vous devez vous le trouver : puis que je ne penſe pas qu’il y ait perſonne à la Cour, qui ne vous eſtime plus que Mexaris, ſans l’en excepter luy meſme : car enfin vous luy eſtes ſi