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point Abradate ; qu’elle m’eſcoutast ; & qu’en ſuitte elle me reſpondist. Cependant comme le Roy avançoit touſjours, & par conſequent Abradate ; Mexaris eut la douleur de voir que ce Prince la ſalüa avec un reſpect ſi profond, & d’une maniere ſi galante, que toutes les Dames qui eſtoient aupres de Panthée, le loüerent extrémement. Mais pour achever ſon malheur, la Princeſſe, quoy qu’elle euſt reſolu de ne le ſalüer qu’avec une civilité un peu froide, ne le fit point du tout : au contraire, elle ſe pancha obligeamment hors de la feneſtre : & par je ne sçay quel air ouvert & agreable qui parut ſur ſon viſage, elle fit ſi bien connoiſtre qu’elle eſtoit ravie de le voir, qu’Abradate en fut à moitié conſolé de la douleur qu’il avoit de voir ſon Rival aupres d’elle. En eſchange, Mexaris en eut un dépit ſi ſensible, que ne pouvant plus durer à la feneſtre qu’il avoit gardée ſi opiniaſtrément, il s’en retira : & ſe mit à ſe promener à grands pas dans la Chambre, durât que la Princeſſe regardoit encore Abradate, qui tourna diverſes fois la teſte de ſon coſté : juſques à ce qu’ayant pris dans une Ruë à gauche, il ne la pût plus voir. Le pauvre Perinthe qui par la paſſion qu’il avoit dans l’ame, avoit auſſi eu quelque curioſité de voir cette premiere entre-veuë de Panthée & d’Abradate, avoit ſuivi ce Prince d’aſſez prés : & avoit auſſi fort bi ? remarqué, que la Princeſſe l’avoit ſalüée fort obligeamment. Il eſtoit meſme demeuré derriere, feignant d’attendre quelqu’un, afin de pouvoir rencontrer les yeux de la Princeſſe, pour avoir du moins la conſolation d’en eſtre veû : mais comme Panthée avoit l’eſprit diſtrait, il la ſalua plus d’une fois ſans qu’elle s’en aperçeuſt, quoy qu’elle euſt les yeux tournez de ſon coſté : & je penſe meſme qu’il euſt