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le Roy à une journée de Sardis, & qui par plus d’une raiſon, n’avoit pas voulu y r’entrer aveque luy ; vint où la Princeſſe eſtoit, & pluſieurs autres Dames avec elle. D’abord qu’elle le vit, elle en eut un dépit extréme : & ſi grand, qu’elle ne pût s’empeſcher de dire à Doraliſe ce qu’elle en penſoit. Du moins Madame, luy reſpondit elle, ne ſouffrez pas que le Prince Abradate qui revient tout couvert de Lauriers, ait la douleur de voir ſon Rival aupres de vous quand il paſſera : & qu’il ait ſujet de craindre que ce Rival ne l’ait vaincu dans voſtre cœur. je voudrois bien eſloigner Mexaris pour l’amour de moy meſme, reprit la Princeſſe, ſans conſiderer Abradate : mais je ne voy pas que je le puiſſe. Il faut, luy dit Doraliſe, que je le face touſjours diſputer ſur quelque choſe : ainſi il pourra eſtre que lors qu’Abradate paſſera, il ne regardera point à la feneſtre. La Princeſſe ſourit de l’invention de Doraliſe, qui ne reüſſit pourtant pas : car comme Mexaris s’eſtoit reſolu de voir de quelle façon la Princeſſe ragarderoit Abradate, quand il paſſeroit devant elle ; & de donner meſme un ſentiment de douleur à ſon Rival, de le voir aupres de Panthée ; il ne la quitta point du tout. Quoy qu’elle nait pas l’action inquiette, comme tant d’autres perſonnes l’ont, elle changea pourtant vingt fois de place, & vingt fois il en changea auſſi bien qu’elle : tantoſt elle ſe mettoit à une feneſtre, & faiſoit mettre Doraliſe aupres d’elle : mais un inſtant apres, il partageoit incivilement la meſme feneſtre où eſtoit Doraliſe, afin qu’Abradate le viſt touſjours aupres de Panthée : ainſi quoy qu’elle pûſt faire, il eſtoit touſjours aupres d’elle. je ne vous diray point. Madame, combien ce petit Triomphe fut beau &