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vouloit qu’il le priſt : au contraire il luy dit que tout ce qu’elle luy racontoit, n’eſtoit qu’un effet de la paſſion que ce Prince avoit pour elle : & qu’enfin il vouloit eſtre obeï. juſques à ce jour là, Madame, il eſt certain que Panthée avoit creû n’avoir qu’une ſimple eſtime pour Abradate : & elle l’avoit ſi bien creû, qu’elle penſa meſme encore qu’il luy ſeroit fort aiſe de le traitter plus froidement à ſon retour, qu’elle n’avoit accouſtumé. Ce n’eſt pas qu’elle priſt la reſolution de mieux vivre avec Mexaris, en vivant plus mal avec Abradate : mais elle croyoit qu’accordant au Prince ſon Pere la moitié de ce qu’il ſouhaitoit d’elle, elle ſeroit plus en droit de luy refuſer le reſte : de ſorte qu’afin de maltraitter Mexaris, elle ſe reſolvoit à ne traitter pas trop bien Abradate.

Mais Madame, à la fin de la Campagne, l’illuſtre Cleandre le ramenant à Sardis, & y rentrant comme en Triomphe, apres tant de victoires obtenuës : la Princeſſe commença de s’apercevoir, qu’il luy ſeroit plus difficile de faire ce qu’elle avoit reſolu, qu’elle ne ſe l’eſtoit imaginé. Car comme tous ceux qui arriverent les premiers, ne parloient que de la valeur d’Abradate, ſon cœur en eut une joye ſi ſensible, qu’elle connut bien qu’elle n’eſtoit pas Maiſtresse abſoluë de tous ſes mouvemens. Cependant comme elle n’avoit pas eu la force de reſister opiniaſtrément au Prince ſon Pere, Mexaris apres luy avoir demandé pardon la revoyoit : & quoy qu’elle veſcust aueque luy avec une froideur extréme, il ne laiſſoit pas de la ſuivre en tous lieux, Le jour de ce petit Triomphe eſtant donc venu, toutes les Dames ſe tinrent aux feneſtres, dans toutes les Ruës où il devoit paſſer : de ſorte que la Princeſſe y eſtant comme les autres, Mexaris qui avoit eſté ſalüer