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il ne pût ſe reſoudre à faire ce qu’il vouloit, & à donner un ſi grand ſujet de pleinte à Creſus, & qui peut eſtre meſme pourroit cauſer une guerre civile. De ſorte que ſe contentant de l’aſſurer qu’il eſloigneroit Abradate de ſes pretentions autant qu’il pourroit, & qu’il approuvoit & authoriſoit les ſiennes ; il luy refuſa de luy faire eſpouser ſa Fille, ſans la permiſſion du Roy : ou du moins ſans qu’il l’euſt refuſée. Mexaris creût pourtant avoir beaucoup obtenu, que d’eſtre aſſuré que ſon Rival n’obtiendroit rien à ſon prejudice : & en effet dés le ſoir meſme, le Prince de Claſomene par la à Panthée : & luy teſmoigna qu’elle luy deſplairoit, ſi au retour d’Abradate, elle ne l’obligeoit à ne ſonger plus à elle : & ſi au contraire, elle ne recevoit avec beaucoup de civilité, les viſites de Mexaris. La Princeſſe fort ſurprise & fort affligée d’un ſemblable diſcours, ne laiſſa pourtant pas d’y reſpondre, avec beaucoup de ſagesse, & de generoſité tout enſemble : car apres avoir aſſuré le Prince ſon Pere qu’elle luy obeïroit toute ſa vie, elle le ſuplia de ne l’obliger pourtant pas à faire une choſe indigne d’elle & de luy. Pour Abradate, luy dit elle, quoy que je l’honnore extrémement, il me ſera neantmoins fort aiſé de faire ce que vous voulez que je face : mais pour Mexaris qui m’a outragé ſensiblement, & pour qui j’ay une averſion invincible ; je vous conjure de ne me commander pas abſolument de vivre aveque luy comme ſi je l’eſtimois, & comme ſi je luy avois de l’obligation : car outre qu’il ne ſeroit pas juſte, je craindrois encore que je ne puſſe pas vous obeïr de bonne grace. Le Prince de Claſomene voulut alors sçavoir dequoy elle ſe plaignoit : mais bien qu’elle exageraſt la choſe en la luy racontant, il ne prit pas cela comme elle