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fin deſquelles Abradate ayant achevé d’eſcrire, les rejoignit : mais auparavant que de rendre la Lettre de Panthée, il fit encore quelque effort pour obliger Perinthe à ſe contenter de la copie, à luy laiſſer l’original. Il n’y eut touteſfois pas moyen d’en venir à bout, & il falut que la choſe allaſt autrement : de ſorte que tous les deux n’eſtoient pas contents. Car Abradate eſtoit bien affligé, de n’avoir pas la Lettre effective de Panthée : & Perinthe eſtoit au deſespoir, que ce Prince en euſt ſeulement la copie. Il eut pourtant encore une plus aigre douleur quelques jours apres : car il sçeut qu’Abradate eſtant devenu plus hardy, par la civilité de la Princeſſe, avoit eſcrit cent choſes à Doraliſe pour luy dire : & qu’en ſuitte partant d’Epheſe, pour aller à la guerre de Phrigie, qui ſuivit celle qu’on venoit d’achever, il luy avoit eſcrit à elle meſme. Il sçeut bien que toutes ces Lettres n’avoient pas eſté des Lettres écrites en ſecret : mais comme apres tout il n’ignoroit pas que celuy qui les eſcrivoit eſtoit amoureux, il en avoit une douleur extréme : & ſouhaitoit bien ſouvent que Mexaris profitaſt de l’abſence d’Abradate : & obligeaſt le Prince de Claſomene à luy donner ſa Fille.

Mais durant qu’Abradate & Perinthe eſtoient à la guerre, Mexaris perſecutoit eſtrangement la Princeſſe : car non ſeulement il l’obſedoit eternellement ; mais ayant sçeu qu’Abradate luy avoit eſcrit, & qu’elle luy avoit reſpondu, il en entra en une colere ſi furieuſe, qu’il perdit un jour une partie du reſpect qu’il avoit accouſtumé d’avoir pour elle : & voicy comment cela arriva. Doraliſe, qui sçavoir bien que la Princeſſe avoit averſion pour ce Prince, prenoit le plus grand plaiſir du monde à dire cent choſes devant luy, qui ne luy plaiſoient pas trop : de ſorte qu’elle ne le voyoit jamais guerre, qu’elle ne loüaſt en general la liberté, & ſouvent auſſi