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alors elle eut la bonté de nous raconter la converſation qu’elle avoit eüe aveques luy. Touteſfois apres avoir bien raiſonné là deſſus, elle ſe détermina à la fin, d’eſcrire de la façon que je vous le diray bien toſt. Cependant Abradate & Perinthe qui attendoient impatiemment la reſponce de la Princeſſe, ſurent ſi ſoigneux & ſi exacts à s’informer du jour que celuy qui devoit l’aporter arriveroit à Epheſe, qu’ils le sçeurent preciſément, & firent ſi bien qu’ils le virent, dés qu’il eut rendu conte de ſon voyage à Cleandre : mais le mal fut pour Perinthe, que Cleandre qui aimoit Abradate, & qui n’ignoroit pas ſa paſſion pour la Princeſſe de Claſomeme, ayant impatience de sçavoir ce qu’elle reſpondoit, fut à l’inſtant meſme chercher Abradate, qu’on luy dit eſtre dans le Jardin du Palais où il eſtoit logé : & en effet il l’y trouva, & Perinthe aveque luy : qui en ſa preſence venoit de recevoir la reſponce de la Princeſſe. je vous laiſſe à penſer quels eſtoient les ſentimans de Perinthe en ouvrant la Lettre de Panthée, dans la crainte qu’il avoit de la trouver trop obligeante pour Abradate : & comme ce Prince s’aperçent de quelque changement au viſage de Perinthe, il s’imagina qu’il craignoit ſimplement que la Princeſſe n’euſt trouvé mauvais qu’il lui euſt envoyé ſon Billet : de ſorte qu’il lui en fit un conpliment, où Perinthe reſpondit avec le plus de paroles qu’il pût : luy ſemblant quaſi qu’il y avoit quelque advantage pour luy, à n’ouvrir pas ſi toſt cette Lettre. Mais à la fin Abradate & Cleandre l’en ayant preſſé, il fut contraint de l’ouvrir, & d’y lire tout haut ces paroles.