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qu’il aimoit, luy eſtoit une choſe inſuportable. De ſorte que prenant un brais adroit, pour s’en empeſcher s’il luy eſtoit poſſible, il dit qu’il ne pouvoit ſe reſoudre à envoyer luy meſme ſon Eloge : que c’eſtoit le couvrir de confuſion, au lieu de le couvrir de gloire : que de plus, il ne sçavoit pas ſi la Princeſſe ne trouveroit point eſtrange, qu’il euſt la hardreſſe de luy faire recevoir un Billet d’un Prince comme Abradate : car (adjouſta t’il finement) celle que j’ay de me donner l’honneur de luy eſcrire, ne tire pas à conſequence. Ce n’eſt pas que ce ſoit mon intereſt qui me faſſe parler, adjouſta t’il, mais je ſerois au deſespoir, dit il ſe tournant vers Abradate, ſi parce que vous me voulez mettre bien avec la Princeſſe, j’eſtois cauſe que vous y fuſſiez mal. Sçachant combien elle vous eſtime (repliqua ce Prince qui vouloit que ſon Billet allaſt entre les mains de Panthée) je ne dois pas craindre qu’elle s’offence que je luy die une venté qui vous eſt avantageuſe. Non non, interrompit Cleandre, je vous reſpons que la Princeſſe ne s’offencera point de cette galanterie : car encore qu’elle fort un peu ſevere, elle eſt raiſonnable, & sçait prendre les choſes comme il faut. Mais pour bien faire, adjouſta t’il, il faut que Perinthe acheve ſa Lettre : & qu’il rende autant d’Encens qu’on luy en a donné. Abradate par civilité s’y voulut oppoſer : & Perinthe voulut auſſi dire encore qu’il n’eſtoit pas capable de loüer en ſi peu de temps, deux perſonnes ſi illuſtres : mais enfin Cleandre apres luy avoir dit qu’il le diſpensoit de la moitié de cette peine, & qu’il le conjuroit de ne parler point de luy ; le força d’achever ſa Lettre, afin de favoriſer Abradate, de qui il n’ignoroit pas l’amour. Si bien que Perinthe reprenant