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fut il dire adieu à Doraliſe avec l’eſprit aſſez libre, pour un Amant qui eſtoit preſt à partir. Il eſt vray qu’il aporta un ſoin extréme, à deſguiser ſes ſentimens en cette occaſion, où il eut en effet beſoin de toute ſon adreſſe : car Doraliſe luy dit cent choſes de deſſein premedité, où un moins fin que luy auroit eu bien de la peine à reſpondre. Il s’en tira pourtant avec tant d’eſprit, qu’elle ne trouva pas dequoy fortifier ſes doutes : cependant je penſe que la Reine de la Suſiane ne trouveroit pas mauvais, quand meſme elle m’entendroit, que je diſſe que la Princeſſe de Claſomene fut un peu melancolique du départ d’Abradate ; mais en eſchange, Mexaris en fut ſi aiſe, qu’on ne peut pas l’eſtre davantage. Il ne s’en trouva pourtant pas mieux aupres de Panthée : au contraire, luy ſemblant qu’elle pouvoit avec plus de bienſeance vivre froidement aveque luy en l’abſence d’Abradate, que lors qu’il y eſtoit ; elle le traitta avec une certaine indifference, qui penſa le faire deſesperer ; & qui le porta enfin à faire cent choſes, qui donnerent bien de l’inquietude à Panthée. Car voyant que plus il luy rendoit de ſervices, moins il la trouvoit favorable : il prit la reſolution d’agir ſecrettement avec le Prince ſon Pere : qui à cauſe de quelque incommodité n’avoit point eſté à l’Armée. Il ne laiſſoit pas touteſfois de la voir, avec une aſſiduité ſans eſgale : ce n’eſt pas que Doraliſe ne diſt tous les jours cent choſes malicieuſes devant luy par les ordres de la Princeſſe, qui devoient ne luy eſtre pas fort agreables : diſant continuellement, que Sardis n’eſtoit plus qu’un Deſert, depuis le commencement de la Campagne : & qu’il euſt beaucoup mieux valu eſtre aux Champs, que d’y demeurer quand la Cour n’y eſtoit pas : mais quoy