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mettre ; s’il ne faut que cette ingenuë declaration pour vous ſatisfaire. Cependant Abradate (pourſuivit elle, en prenant un viſage plus ſerieux (sçachez que comme les perſonnes de ma condition & de ma vertu, ne diſposent jamais gueres d’elles meſmes, il faut qu’elles tiennent touſjours leur eſprit en eſtat de pouvoir s’accommoder à leur fortune. C’eſt pourquoy quand il ſeroit vray que j’aurois pour vous une forte diſposition à ſouffrir que vous m’aimaſſiez, je ne le ferois pourtant jamais, que je ne viſſe les choſes en termes de me faire croire que je le pourrois innocemment & ſans imprudence. Apres cela, je n’ay plus rien à vous dire : ſi ce n’eſt que je vous ſeray fort obligée, ſi vous ne me contraignez pas a fuir voſtre converſation.

Comme Abradate alloit reſpondre, la Princeſſe Palmis arriva, qui rompit cét entretien : mais comme nous eſtions alors dans une grande Allée de Cyprés, qui ſont plantez ſi proche les uns des autres qu’ils font une Paliſſade aſſez eſpaisse, il arriva que ſans y penſer, je tournay les yeux en un endroit, où je vy remüer les branches ; & où j’aperçeus Perinthe, qui regardoit à travers. je ne l’eûs pas pluſtost veû, que je le montray à Doraliſe : qui fut à luy toute eſtonnée, pour luy faire la guerre de ce qu’il l’avoit quittée ſans avoir rien à faire. Perinthe fort interdit, l’aſſura qu’il avoit rencontré en ſortant du Jardin, celuy a qui il avoit à parler : & qu’en ſuitte il y eſtoit rentré (quoy qu’en effet il n’en euſt point ſorty) adjouſtant à cela, que s’eſtant engagé ſans y penſer, de l’autre coſté de l’Allée, il avoit voulu voir ſi perſonne n’avoit pris ſa place aupres d’elle, devant que d’y rentrer. je vous entends bien Perinthe, luy dit elle, vous voulez m’impoſer ſilence par une civilité : mais il