- Tin, tin, tin, tin,
- Joyeux tocsin !
- Que veut l’Indien.
- Ou l’Italien,
- Le Péruvien,
- Le Parisien,
- L’épicurien,
- Le bohémien,
- Et le chrétien
- Et le païen ?…
(Faisant sonnet la bourse.)
- Tin, tin, tin, tin,
- Contre les maux de la vie
- La fièvre ou la calomnie,
- La bonne philosophie
- Et le meilleur médecin…
- C’est…
(Faisant sonner la bourse.)
- Tin, tin, tin, tin,
- Que ce doux tocsin
- Résonne un matin,
- Tin, tin, tin, tin,
- Il chasse soudain
- Misère et chagrin !
(Toutes les fois que Dig-Dig fait sonner la bourse, Guido avance la main pour la prendre. Dig-Dig la retire aussitôt, ce jeu continue pendant le second couplet.)
- Tin, tin, tin, tin,
- Joyeux tocsin,
- Jeune tendron
- À l’œil fripon
- Vous fait faux bond
- Pour un doublon ?
- Au sol fécond
- De l’Orégon
- Que cherchait donc
- Christophe Colomb ?
(Faisant sonner la bourse.)
- Tin, tin, tin, tin,
- Au diable la gloriole
- L’amour et la faribole !
- La véritable boussole
- Qui gouverne le destin,
- C’est…
(Faisant sonner la bourse.)
- Tin, tin, tin, tin,
- Que ce doux tocsin
- Résonne un matin,
- Tin, tin, tin, lin,
- Il chasse soudain
- Misère et chagrin.
(Il lui donne la bourse.)
Voilà.
Ma foi, c’est bien de l’argent qui m’arrive de l’autre monde, — mettons cela dans ma caisse. (Il met la bourse que lui a donnée Dig-Dig dans le coffre qui est sur la table.) Ce n’est pas la place qui manque !… Ah ! monsieur est Indien !… Et comment vous trouvez-vous en Allemagne ?… en Souabe ?…
Mon fils, l’homme est un voyageur… Tel que vous me voyez, je suis né dans le royaume de Kachmyr… Mon père, qui était un bonze de troisième classe, m’avait placé dans le temple de Candahar auprès du grand Gouron de Kachmyr.
Auprès du grand Gouron !… Il a vu le Gouron… Vous avez vu le Gouron… (Il baise la manche de Dig-Dig.)
Très souvent ; mais l’amour des voyages m’a pris… J’ai vu la France… J’ai vu Paris.
Beau pays ! pour un savant tel que vous !…
Pays superbe ! ou je serais mort de faim, si je ne m’étais rappelé les tours d’adresse que l’on possède dans notre patrie… et sous le nom de Dig-Dig, jongleur indien… car dans ce pays tous les jongleurs réussissent… j’ai eu l’honneur de faire courir tout Paris… Enfin, je suis venu me fixer dans cette ville, où je jouis d’une certaine considération… J’y enseigne la danse, l’astronomie et l’escamotage… ce qui ne m’empêche pas de me livrer à mon étude favorite, le grand œuvre de Brahma… la transmutation des âmes.
La transmutation des âmes !
C’est un des dogmes de notre croyance ; car vous savez sans doute ce que c’est que la métempsychose.
Parbleu !… si je le sais.
Quand notre existence finit… selon nos bonnes ou mauvaises actions… nous devenons ours, moutons, bécasses, et cætera, et cætera !… Système consolant, culte admirable… qui nous fait, dans chaque animal, aimer notre semblable ! Je vous parle ainsi, parce que je pense bien qu’un garçon d’esprit tel que vous doit croire à la métempsychose.
Si j’y crois !… certainement !… D’abord, comme dit le docteur Faust, que je citerai toujours, si ça n’est qu’impossible, ça se peut.