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peine, surtout depuis quelque temps. Sais-tu que tu commences à percer, à avoir de la réputation. On se dit déjà : Ce petit Olivier ne va pas mal, ce gaillard-là aura un beau talent, et moi je réponds : Je crois bien, c’est mon camarade de collège ; je l’attends ce soir, vous le verrez… ; et puis tu ne viens pas ! C’est très désagréable, cela m’ôte même de ma considération : j’ai l’air de ne pas aimer les arts.

OLIVIER.

Pardon, mon cher, je suis un ingrat. Je te remercie, toi et tes amis, de la bonne opinion que vous avez de moi ; mais je pense que les artistes, s’ils sont sages, doivent fuir le grand monde, dans l’intérêt même de leur réputation. Pour te parler à mon tour en style des beaux-arts, ils sont comme ces peintures à fresque qui gagnent toujours à être vues de loin. Quand on les regarde de trop près, on se dit : Comment, ce n’est que cela ?… et c’est par amour-propre que je reste chez moi : j’aime mieux qu’on me voie par mes ouvrages.

DORBEVAL.

Tu as tort : tu y perds des protecteurs.

OLIVIER.

Des protecteurs !… Grâce au ciel nous ne sommes plus dans ces temps où le talent ne pouvait se produire que sous quelque riche patronage ; où le génie, dans une humble dédicace, demandait à un sot la permission de passer à la postérité à l’ombre de son nom. Les artistes d’à présent pour acquérir de la considération et de la fortune n’ont pas besoin de re-