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vent d’être arriéré. Tiens, c’est ce qui m’arrive en ce moment, et ne voulant point entamer mes capitaux, je venais prier Dorbeval de me prêter cinq ou six mille francs dont j’ai besoin.

OLIVIER.

Il se pourrait ! Eh bien ! mon ami, je viens ici pour un motif tout oposé. J’ai fait des économies, et, par prudence, je venais les placer chez notre ancien camarade.

POLIGNI.

Toi, des économies !…

OLIVIER.

Eh ! oui vraiment ! Un peintre, cela t’étonne ! Je sais que ce n’est pas la mode, et qu’autrefois les financiers, les spéculateurs, et les sots de toutes les classes, se croyaient le privilège exclusif de faire fortune, et nous laissaient toujours dans leurs bonnes plaisanteries l’hôpital en perspective. Mais depuis quelque temps les beaux-arts se révoltent, et sont décidés à ne plus se laisser mourir de faim. Girodet et tant d’autres se sont enrichis par leurs pinceaux. Nous avons des confrères qui sont barons ; nous en avons qui ont équipage, qui ont des hôtels, et j’en suis fier pour eux. Trop long-temps la peinture a habité les mansardes ; dans ce siècle-ci, elle descend au premier, et elle fait bien. Je n’en suis pas encore là : je ne suis qu’au troisième, j’y ai mon atelier, et si tu y venais quelquefois, tu verrais quelle gaieté, quelle franchise, quelle ardeur y président ; tu sentirais le bonheur d’être chez soi ; lu comprendrais quelles sources de