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ration que, par fierté, je m’arrange, sinon pour être, du moins pour paraître leur égal.

OLIVIER.

Et voilà, il faut en convenir, une fierté bien plaire, Autrefois, tu t’en souviens, nous faisions bourse commune, et je connais ton budget. Tu as huit mille livres de rentes, et tu as équipage. Aussi, victime de ton opulence et de ta manie de briller, tu te gênes, tu te prives de tout. Chez toi, le superflu envahit le nécessaire : tu as un appartement de cinq cents francs et une écurie de cinquante louis. Selon toi, c’est presque une honte d’être pauvre ; tu en rougis, tu t’en caches ; moi, je m’en vante et je le dis tout haut. Orphelin et sans ressources, je dois tout aux bontés du meilleur des hommes, d’un brave et ancien militaire, monsieur de Brienne, qui m’avait fait obtenir une bourse au collège. Grâce à lui et à l’éducation que j’ai reçue, j’ai l’honneur d’être artiste, pas autre chose, et je ne vois pas pour cela que dans les salons où je te rencontre je sois moins bien accueilli. Je ne joue pas, c’est vrai ; mais tandis que vous perdez à l’écarté, je gagne, moi, une réputation d’homme du monde. Je fais ma cour aux dames, je danse avec les demoiselles, et cette année, en l’absence des gens aimables, j’ai eu des succès dont ma modestie s’effrayait. Oui, mon ami, l’autre jour encore, à Auteuil, une maison de campagne délicieuse où nous jouions la comédie, je faisais répéter à une jeune demoiselle le rôle de Fanchette, dans le Mariage de Figaro… d’abord, mon élève était fort jolie, et puis cette pièce-là,