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remarqué, quand nous nous promenions ensemble, un ami à pied qui te donnait une poignée de main te faisait moins de plaisir qu’un indifférent qui te saluait en voiture

POLIGNI.

Voilà, par exemple, ce dont je ne conviendrai jamais. Permis à toi de douter de tout, excepté de mon cœur ; à cela près, j’avouerai mes faiblesses, mes ridicules, ce désir de fortune qui me poursuit sans cesse, non que je sois avide, car j’aimerais mieux donner que recevoir, et je n’ambitionne dans les richesses que le bonheur de les dépenser ; mais ces torts ne sont pas les miens, ce sont ceux du temps où nous vivons. Dans ce siècle d’argent, ceux qui en ont sont les heureux du siècle, et, sans aller plus loin, je te citerai notre ami Dorbeval, que j’aime de tout mon cœur, mais qui au collège n’a jamais été un génie, qui était même le moins fort de nous trois.

OLIVIER.

Tu t’abuses sur son compte ; Dorbeval est très fin, très adroit, et ne manque, quand il le faut, ni de talent, ni d’éloquence ; c’est plus que de l’esprit, c’est celui des affaires, et lu vois où en sont les siennes.

POLIGNI.

Aussi, et c’est où j’en voulais venir, tu vois l’estime dont il jouit, les hommages qui l’environnent ! À qui les doit-il ? à son opulence ; c’est de droit, c’est l’usage ; et, dans les sociétés brillantes où je passe ma vie, je suis tellement persuadé que la différence des fortunes doit en mettre dans les égards et la considé-