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chement : si, au lieu d’habiter cette rue Saint-Jacques que tu me reproches, ce modeste quartier où s’éleva notre enfance, je possédais, comme notre camarade Dorbeval, un bel hôtel à la Chaussée-d’Antin, tes occupations te laisseraient quelques momens pour me voir.

POLIGNI.

Quelle idée ! tu pourrais le supposer !

OLIVIER.

Je ne t’en fais point de reproches ; je n’accuse point ton amitié, sur laquelle je compte, et que je trouverais toujours au besoin, je le sais ; mais c’est la faute de ton caractère, qui a toujours été ainsi : tu aimes tout ce qui brille, tout ce qui éblouit les yeux. Ainsi, en sortant du collège, tu t’es fait militaire, parce qu’alors c’était l’état à la mode, l’état sur lequel tous les regards étaient fixés. En vain je te représentais les dangers que tu allais courir, un avenir incertain : tu ne voyais rien que l’épaulette en perspective, et les factionnaires qui te porteraient les armes quand tu entrerais aux Tuileries. C’est pour un pareil motif que vingt fois tu as exposé ta vie, sans penser aux amis qui auraient pleuré ta perte. Depuis, la scène a changé : aux prestiges de la gloire ont succédé ceux de la fortune. Les altesses financières brillent maintenant au premier rang ; les gens riches sont des puissances, et leur éclat n’a pas manqué de te séduire. Ne pouvant être comme eux, tu cherches du moins à t’en rapprocher ; tu ne te plais que dans leur société ; tu es fier de les connaître, et souvent je l’ai