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OLIVIER.

Où en était la nécessité ? toi qui avais une fortune honorable et indépendante, huit mille livres de rente, qui te forçait à les compromettre ?

POLIGNI.

Qui m’y forçait ? l’ambition, la vanité, le désir des richesses, le désir de briller.

OLIVIER.

Eh bien ! tu es encore maître de ton sort, il ne dépend que de toi ; plus d’égards, de vains ménagemens, il faut tout rompre.

POLIGNI.

Rompre ! y penses-tu ? et dans quel moment ? Quand toute une famille est réunie pour signer ce contrat, quand il y a dans ce salon plus de deux cents personnes qui seraient témoins d’un pareil éclat ! et de quel droit déshonorer une jeune fille qui n’a d’autres torts envers moi que de me sauver moi-même du déshonneur, de faire ma fortune, et à qui je ne peux pas même reprocher ses défauts, car je les connais, je les accepte ; c’est à moi au contraire à la protéger, à la défendre : j’y suis engagé d’honneur, je suis lié par ses bienfaits, (À voix basse.) car déjà j’ai reçu sa dot : elle est là, j’en ai disposé d’avance, je l’ai presque employée. Je sais comme toi que j’y puis renoncer encore ; je sais même qu’en vendant tout ce que je possède, je retrouve ma liberté au prix de l’indigence ; mais te l’avouerai-je enfin, cette fortune dont j’ai déjà fait l’essai, cette fortune qu’on ne goûte pas impunément, est devenue pour moi le premier des biens. Plutôt