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Scène VI.

POLIGNI, seul, et regardant autour de lui avec effroi.

Une faillite ! ce mot retentit encore à mon oreille. Moi, avili, déshonoré, n’osant plus regarder un honnête homme ! Jusqu’ici je n’avais vu de la fortune que ses brillans prestiges, je n’avais jamais pensé qu’elle dût conduire à la honte, à l’infamie ! Car, il a raison, c’est le sort qui m’attend : mais ne puis-je m’y soustraire qu’en sacrifiant mon bonheur ? N’ai-je donc point d’autres moyens de m’acquitter ? Je vais devoir une somme énorme, soixante mille écus ! mais en abandonnant tout ce que j’ai, tout ce que je possède, je puis encore les payer. Il ne me restera rien, il est vrai ; mais avec mon travail… Travailler vingt-cinq ou trente ans pour expier les folies d’une matinée, et être malheureux toute sa vie pour avoir été agent de change un seul jour ! Non, je n’en ai pas la force, je n’en ai pas le courage. Dorbeval a raison, il faut tout avouer à madame de Brienne. Quand elle connaîtra ma situation, elle ne pourra m’en vouloir, et je cours à l’instant même… (S’arrêtant.) Mais comment lui expliquer cette situation ? comment lui apprendre que je l’abandonne, que je renonce à elle ? pourquoi ? Pour un mariage d’argent, pour une femme que je n’aime pas ! Comment lui dirais-je que je me vends moi--