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OLIVIER.

Oui, voilà mon secret, voilà ma vie.

MADAME DE BRIENNE.

Olivier !….

OLIVIER.

Ah ! ne me répondez pas encore ; ne me condamnez pas au silence, laissez-moi un instant de bonheur ; laissez-moi vous parler d’un amour que votre vue seule a fait naître. Depuis ce jour fatal, dévorant mes chagrins, vous savez si la femme de mon bienfaiteur me fut sacrée ! Commandant à ma bouche, à mes regards, l’instant où vous auriez soupçonné mon amour aurait été le dernier de ma vie ; mais quels tourmens, quel supplice continuel ! quelle contrainte affreuse ! À votre départ au moins je fus libre… d’être malheureux ! Je pouvais sans crainte m’occuper de vous ; vous étiez sans cesse présente à mes yeux, et dans ce jour encore, je vous dois le plus doux des triomphes. À mon dernier ouvrage, je rêvais une beauté noble et touchante, une grâce enchanteresse, idéale ; je croyais créer, je copiais ! Vos traits venaient d’eux-mêmes se placer sous mes pinceaux, et tout à l’heure au salon, j’ai vu la foule arrêtée devant mon tableau : Quelle tête admirable ! disaient-ils, que c’est beau ! que c’est sublime Et moi je disais : Ah ! que c’est ressemblant ! De riches étrangers m’entouraient, m’en offraient des trésors : leur vendre mon tableau, mon bien, mon bonheur ! Dussent-ils le couvrir d’or, jamais ! Mais du moins mes rêves sont réalisés ; ce peu de gloire et d’honneur que je désirais, je l’ai obtenu,