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sables pour leur plaire, et d’avance votre aspect m’effrayait. Quel fut mon étonnement de trouver en vous la simplicité unie à la franchise, ce charme inconnu qui inspire et promet l’amitié. Aussi, quand vous réclamiez pour vous celle que je portais à monsieur de Brienne, vous la possédiez déjà ainsi que lui. Ah ! bien mieux encore ! Ses vertus commandaient ma confiance ; votre vue seule attirait la mienne. Mes idées, mes projets, je les lui disais parfois : à vous, jamais ; vous les saviez avant moi, vous les aviez devinés. Je pouvais causer avec lui, je pensais avec vous. Et si vous vous rappelez quelles sombres idées flétrissaient alors mon âme, honteux de ma misère et de ma naissance, je croyais que le monde devait à jamais me repousser de son sein ; c’est vous qui m’avez rendu le courage et la fierté ; c’est vous qui m’avez dit : « Tous les chemins aujourd’hui sont ouverts aux talens ; l’estime publique qui les honore, qui les ennoblit, regarde où ils sont arrivés, et ne s’informe pas d’où ils sont partis. » Vous m’avez montré alors l’honneur, la fortune, la gloire qui m’attendaient. Ah ! si vous saviez en vous écoutant quelle noble ardeur embrasait mon âme, quel feu divin circulait dans tout mon être ! Impatient de l’avenir, ces succès, ces honneurs, ces palmes que vous me promettiez, je les rêvais d’avance, non pour un monde qui m’était indifférent, mais pour les apporter à vos pieds, pour les offrir à celle que j’adorais !

MADAME DE BRIENNE.

Ô ciel !