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qui je les dois. Orphelin et sans ressources, je serais mort de misère et de faim, ou, traînant une pénible existence, je serais maintenant un artisan, un soldat ignoré, si monsieur de Brienne n’avait daigné me recueillir et me protéger. Ah ! que n’a-t-il pu jouir de ses bienfaits ! que n’a-t-il été le témoin de mes premiers triomphes ! Vous veniez de quitter notre patrie, et je me rappelle encore ce jour solennel, cet asile des arts, où siégeaient tous les talens dont s’honore la France, où la récompense du mérite est décernée par le mérite lui-même. Hélas ! dans cette nombreuse et brillante assemblée je cherchais monsieur de Brienne, je vous cherchais, madame, et quand mon nom fut proclamé, quand ce prix de peinture, ce premier prix me fut accordé, nul regard ne cherchait les miens pour me féliciter ; nulle sœur, nulle amie n’était là pour partager mon triomphe ou comprendre mon bonheur. Comme étranger, comme abandonné au milieu de la foule, je rentrai chez moi la mort dans l’âme, et triste de ma joie solitaire, je cachai en pleurant cette couronne que je venais d’obtenir, et que je réservais à mon bienfaiteur. Ah ! je ne croyais pas alors devoir la déposer sur sa tombe. Mais pardon de renouveler vos douleurs, de vous rappeler de pareils souvenirs !

MADAME DE BRIENNE.

Ah ! ne le craignez pas ; mon cœur se les retrace souvent. Mais en me parlant de monsieur de Brienne et des services qu’il vous rendit, je vous reprocherai d’oublier celui que vous attendez de moi.