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POLIGNI.

Ah ! vous ne pouvez le savoir ; je ne puis, je n’ose vous apprendre ce qui se passe en moi, ni quelles idées viennent troubler mon bonheur… non que je sois sans reproches… mais vous-même, madame….

MADAME DE BRIENNE.

En auriez-vous à m’adresser ?

POLIGNI, vivement.

Oui… oui, sans doute !

MADAME DE BRIENNE.

Tant mieux ! il me sera si aisé de me justifier, de vous rendre le calme, le bonheur. Parlez vite, dépêchez-vous de m’accuser, car il doit vous tarder de m’absoudre. Eh bien ! mon ami… eh bien ! mon juge, voyons, qu’ai-je fait ? de quoi suis-je coupable ?

POLIGNI.

Vous me le demandez… quand, depuis trois ans séparés l’un de l’autre, pas une lettre n’est venue me consoler ni ranimer mon courage ! Ah ! qui sait si un mot de vous, si la vue seule de votre écriture n’eût pas dissipé, n’eût pas chassé loin de moi ces idées qui font aujourd’hui mon malheur.

MADAME DE BRIENNE.

Poligni, j’étais mariée ; vous écrire eût été manquer à mes devoirs. Cette conduite que vous blâmez aujourd’hui, vous m’en remercierez un jour, en m’estimant davantage. (En riant.) D’ailleurs, êtes-vous de ces gens défians et soupçonneux à qui il faut toujours des écrits ? Que vous aurait appris cette lettre ? que je vous aimais… Eh bien ! mon-