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me résigne à mon sort, à ce sort brillant que chacun envie. S’ils le connaissaient, il leur ferait pitié.

MADAME DE BRIENNE.

Que me dis-tu ?

MADAME DORBEVAL.

Est-ce ma faute, cependant ? jeune, sans expérience, je voyais tous mes parens enchantés, éblouis : Tu n’as rien, disaient-ils, et il est riche… immensément riche, épouse-le. Eh bien ! ils doivent être satisfaits : je suis bien riche et bien malheureuse.

MADAME DE BRIENNE.

Toi ! grand Dieu !

MADAME DORBEVAL.

Oui, je l’épousai sans l’aimer ; du moins je n’en aimais pas d’autre ; et, au premier coup d’œil, l’opulence ressemble tant au bonheur ! mais l’espèce d’enivrement qu’elle nous procure est de si courte durée ! on s’y habitue si vite ! et quand on rentre en soi-même ; quand, effrayé du vide et de la solitude qui vous entoure, on cherche un cœur qui puisse répondre au vôtre, et qu’on ne trouve que sécheresse et indifférence ; et quand, chaque jour, ce cœur est froissé par le mépris, par l’orgueil, par le souvenir des bienfaits qu’on lui reproche ; lorsqu’en un mot on le condamne à la reconnaissance pour l’avoir voué au malheur ! ah ! c’est acheter bien cher la fortune, et ses trésors ne paieront jamais les larmes qu’elle vous coûte.

MADAME DE BRIENNE.

Pauvre Élise !