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mande, me dit-il en partant, c’est de m’attendre ! Ou vous apprendrez ma mort, ou je reviendrai colonel. » Déjà, tu le sais, les journaux avaient retenti de son nom, sa conduite lui avait mérité l’estime de ses chefs ; encore quelques mois, et la paix le ramenait auprès de nous. Lorsqu’un jour, mon père, que je croyais par sa fortune à l’abri de tout les évènemens, ou que du moins les fonds publics, dont il était dépositaire, devaient éloigner de toute spéculation hasardeuse, mon père se présente à mes yeux, pâle et tremblant. « Je suis perdu, me dit-il, je suis déshonoré ! Ma honte est encore un secret ; mais ce soir elle sera connue et je n’y survivrai pas. Ma fille, c’est toi seule que j’implore ! Monsieur de Brienne, mon ami, sacrifie sa fortune pour me sauver l’honneur ; mais je ne puis accepter un pareil bienfait que de la main d’un gendre. Prononce sur mon sort. » Hélas ! mon père était à mes genoux, je ne vis que lui. Je consentis, car j’espérais mourir ; et quelques jours après mon mariage, j’étais chez moi, j’étais seule… tu devines à qui je pensais… quand tout à coup je le vois paraître devant moi. Le signe de l’honneur brillait sur sa poitrine ; ses traits étaient altérés par la souffrance, et me montrant de la main les riches épaulettes dont il était décoré… « J’ai tenu mes promesses, me dit-il, je les ai tenues au prix de mon sang ; mais vous, madame, vous !… » Ah ! je ne pus y résister. Je confiai à son honneur le secret de mon père ; je le suppliai de me pardonner et de me plaindre, et je me trouvai moins malheureuse quand il sut à quel point