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Brienne m’avait vue naître, me portait la plus grande amitié, mais jamais il ne m’était venu à l’idée qu’il dut être mon mari. Bien loin de cela, tu le sais, un autre avenir, d’autres espérances souriaient à mon cœur. Tu te rappelles ces premiers sentimens, ces impressions que rien ne peut effacer ; car alors tu me donnais des conseils, tu recevais mes confidences, et j’aurais presque désiré des chagrins, afin de te les raconter. On est si heureuse d’un amour qu’on peut avouer ! il est si doux d’en parler ! et cela nous arrivait quelquefois.

MADAME DORBEVAL.

Oui, le matin, le soir, toute la journée ! Et son nom, crois-tu que je l’aie oublié ? ce pauvre Poligni !

MADAME DE BRIENNE, lui mettant la main sur la bouche.

Tais-toi ! tu m’as fait peur, il y a si long-temps que je n’ai osé le prononcer.

MADAME DORBEVAL.

C’est un ami de mon mari, nous le voyons assez souvent ; il est libre, et j’ai lieu de croire qu’il est toujours fidèle.

MADAME DE BRIENNE.

Vraiment. Je ne te le demandais pas ; car enfin je n’avais le droit de rien exiger ; mais autrefois, élevés ensemble, nous aimant dès l’enfance, rien ne semblait s’opposer à notre union. C’était pour mériter ma main, pour obtenir le consentement de ma famille, qu’il venait d’embrasser l’état militaire, source alors de gloire et de fortune. « Tout ce que je vous de-