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MADAME DE BRIENNE.

Non ; n’ayant que mon amitié, il était naturel qu’il en fût jaloux ; d’ailleurs mon devoir était de tout lui sacrifier, même mes plus chères affections ; et ce devoir je l’ai rempli jusqu’à ses derniers momens.

MADAME DORBEVAL.

Ô ciel ! tu serais veuve ?

MADAME DE BRIENNE.

Eh ! mon Dieu ! oui, depuis long-temps ; je me suis trouvée seule, abandonnée, à quinze ou seize cents lieues d’ici, à l’autre extrémité de la Russie, dans un pays inconnu, où nous avaient appelés les intérêts de monsieur de Brienne, une nouvelle colonie à former, d’immenses terrains à défricher ; et si tu savais quel temps il m’a fallu pour liquider, pour terminer toutes ces affaires, pour achever surtout ce long voyage, sans compter qu’au moment de partir une maladie cruelle m’a tenue plusieurs mois entre la vie et la mort ; je croyais ne plus vous revoir.

MADAME DORBEVAL.

Mais c’est qu’aussi personne n’avait pu comprendre un pareil mariage ! épouser un homme de soixante ans, sans fortune !

MADAME DE BRIENNE.

Il en avait ; c’est ce mariage qui la lui a fait perdre : voilà ce que le monde ne savait pas, voilà ce que le devoir le plus sacré m’empêchait même de t’apprendre. Monsieur de Brienne était un ancien ami de ma famille ; c’était par lui que mon père avait obtenu cette place de receveur-général dont il était si fier ; M. de