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DORBEVAL.

Toi ! c’est différent : si tu me parles d’amour quand je te parle raison, nous n’allons plus nous entendre. Qu’est-ce que je voulais ? agir en ami, m’acquitter envers toi, faire ta fortune ; mais si tu préfères un mariage d’inclination, je ne prétends pas te tyranniser, et je ne dis plus rien ; d’autant que moi-même aussi, tu le sais, j’ai autrefois donné dans les mariages d’inclination. Il est vrai que la position était bien différente : j’avais de la fortune ; j’ai enrichi une femme qui n’avait rien, ce qui m’a fait de l’honneur dans le monde, et ce qui de plus, j’ose le dire, était fort bien calculé ; car, quoique nous ayons souvent des discussions, elle est obligée, par devoir, de me complaire en tout, de m’aimer, de m’adorer ; je n’ai pas besoin de m’en mêler, ni de rien faire pour cela : j’ai fait sa fortune. Mais toi, mon cher, qui, d’après ton propre aveu, n’as pas même deux cent mille francs !…

POLIGNI.

Et qu’importe ? Plût au ciel que je fusse le maître de n’écouter que mon cœur ! plût au ciel qu’elle fût libre ! je serais trop heureux de lui offrir, avec ma main, le peu de bien que je possède.

DORBEVAL.

Comment ! elle est mariée !

POLIGNI.

Hélas ! oui ; sacrifiée par sa famille, elle a épousé un vieillard, un ancien militaire, monsieur de