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DELMAR.

Du tout.

RÉMY.

Cependant, quand j’ai quitté Paris, tu venais de passer ton dernier examen.

DELMAR.

J’en suis resté là ; et de l’étude d’avoué, je me suis élancé sur la scène.

RÉMY.

Vraiment ! tu as toujours eu du goût pour la littérature.

DELMAR.

Non pas celle de Racine et de Molière, mais une autre qu’on a inventée depuis, et qui est plus expéditive. Je me rappelais l’exemple de Gilbert, de Malfilâtre et compagnie, qui sont arrivés au Temple de Mémoire en passant par l’hôpital ; et je me disais : « Pourquoi les gens qui ont de l’esprit n’auraient-ils pas celui de faire fortune ? pourquoi la richesse serait-elle le privilège exclusif des imbécilles et des sots ? pourquoi surtout un homme de lettres irait-il fatiguer les grands de ses importunités ? Non, morbleu ! il est un protecteur auquel on peut, sans rougir, consacrer ses travaux, un Mécène noble et généreux qui récompense sans marchander, et qui paie ceux qui l’amusent ; c’est le public. »

RÉMY.

Je comprends ; tu as fait quelques tragédies, quelques poèmes épiques.

DELMAR.

Pas si bête ! Je fais l’opéra-comique et le vaudeville. On se ruine dans la haute littérature ; on s’enrichit