Page:Scribe - Théâtre, 2.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SOUFFLÉ, froidement.

Frappez. (Montrant le plat qu’il tient.) Mais goûtez.

LE VICOMTE.

Hein ! qu’est-ce qu’il tient là ? Dieu me pardonne., ce sont des ortolans à la provençale, mon mets favori.

SOUFFLÉ.

Juste. (À M. de Saint-Phar.) J’ai bien senti, monseigneur, que cette maudite lettre que je n’ai pas pu écrire m’avait fait du tort à vos yeux, car, vous en conviendrez vous-même, vous m’estimiez avant la lettre. J’ai voulu alors vous prouver, avant de vous quitter, que je n’étais pas tout-à-fait indigne de vos bonnes grâces, et que si dans votre cabinet j’étais un sot, je pouvais être un homme de mérite en descendant d’un étage. Je suis rentré dans mes fourneaux, dont je n’aurais jamais dû sortir, vu que la nature m’avait fait homme de bouche, et non pas homme de lettres ; et je viens soumettre à votre appétit dégustateur cet échantillon de mes talens, d’après lequel je consens à être jugé, parce que, comme a dit le Sage : On connaît l’homme à ses actions, et le cuisinier à ses ragoûts.

LE VICOMTE.

Et il les fait bons, je l’atteste ! C’est mon ancien cuisinier, que j’avais renvoyé dans un moment d’humeur, et que je voulais placer chez toi.

SOUFFLÉ.

C’est pour cela aussi que je suis venu.

M. DE SAINT-PHAR, riant.

Comment ! c’est là l’emploi que tu sollicitais ?